Un grand monsieur du duathlon a tiré sa révérence
Les championnats d’Europe de duathlon auront lieu le week-end prochain à Târgu Mureș (Roumanie). Ils se disputeront sans Benoît Nicolas, qui en a disputé sept pour quatre médailles dont deux en or. Un peu plus de onze ans après ses débuts en duathlon, Benoît Nicolas a, en effet, décidé de prendre sa retraite sportive, à l’âge de 43 ans. Avec deux titres mondiaux, deux titres européens et trois titres nationaux, le Breton a, sans aucun doute, laissé son empreinte sur le duathlon français. Interview d’un athlète attachant et facétieux.
Benoît, tu as annoncé ta retraite sportive il y a quelques mois. Pourquoi as-tu décidé de mettre fin à ta carrière ?
Effectivement, j’étais arrivé au bout de ce que je pouvais faire. Je m’entraînais toujours à fond et les chronos déclinaient. J’ ai mesuré la perte chronométrique lors de l’hiver 2020. En cumulant l’âge, les résultats passés et ce que je pouvais encore espérer (avec le niveau qui baissait), je me suis dit qu’il était peut être temps d’arrêter. J’en suis content finalement. Je n’ai aucun regret. Ma dernière course n’a pas été terrible. Cela a couru trop vite. Il m’aurait fallu 6 à 7 ans de moins pour rivaliser...
Peux-tu nous rappeler comment tu étais venu au duathlon ?
En avril 2009, j’ai stoppé l’athlétisme quand ma mère est tombée gravement malade. J’étais parti pour une saison de 3 000 m steeple… J’ ai cherché un peu de plaisir avec le vélo pour reprendre le sport et m'aérer. Puis, mon frère Xavier m’a lancé un défi sur un aquathlon en juillet, puis sur deux triathlons régionaux.
Comme je me débrouillais correctement à vélo, Pascal Redou, mon grand pote de Cesson, m’a proposé de faire une manche de D2 à Nancy en septembre. J’avais couru aux avant-postes en compagnie de Benjamin Choquert et deux autres gars. Nous débutions tous à vélo. On a fait 6 km en tête. Ensuite, nous nous sommes fait “plumer”. J’avais zéro expérience en peloton. Benjamin et moi avons regardé le peloton passer, impressionnés par le bruit des roues. Nous étions perdus. Nous ne savions même pas prendre les roues. Nous avons fini dans le lointain à vélo. Mais, nous avons remonté 30 places à pied. Je termine 5e, Benjamin 6e, je crois. Dans cette course, il y avait aussi Rob Woestenborghs et Bertrand Billard.
Du coup, en 2010, me voilà en D1. Et pour mon premier Grand Prix, je gagne… (après déclassement de Silva). Du coup, je suis sélectionné pour les championnats d’Europe. C’était assez incroyable.
Peux-tu nous raconter cette première expérience internationale ?
J’étais sélectionné avec Capoferri, Galinier, Derobert et Diemunsch. Je me suis présenté au départ avec une entorse à la cheville, contractée sur le Grand Prix cinq semaines auparavant. Du coup, ma préparation avait été très compliquée. Je m’étais entraîné avec la blessure. Idem pour la course. Il m’a manqué 10 m à pied pour coller au groupe. Du coup, je m’étais retrouvé seul à vélo pendant 6-7 km. J’ai fini dans le 3e groupe. Au final, je termine 15e et 12e Élite. Je m'étais alors dit : “ le duathlon, c’est trop dur. J’arrête les frais."
Quel est le Top 5 de tes performances qui t’ont le plus marqué en duathlon ?
- Mon titre mondial à Pontevedra en 2014 : Ce jour-là, je gagne devant Étienne Diemunsch et Emilio Martin, avec 20 et 35 secondes d’avance. Une grande course !
- Mon titre mondial à Penticton en 2017 : Je l’emporte devant Martin. Nous nous étions échappés à vélo en “facteur”. 50 secondes d’avance au final. C’était fantastique ! J’avais 40 ans, j’étais van et je gagnais en élite.
- Mon titre européen à Limerick en 2011 : Sur le plan émotionnel, ce fut énorme. C’était ma 2e sélection. Je gagne au coude à coude avec l’Espagnol Del Corral et le jour de mes 34 ans.
- Mon 2e titre européen à Madrid en 2015 : Je triomphe au sprint devant Emilio Martin.
- Mon 3e titre national à Fourmies en 2014 : Je décroche la palme après une échappée à vélo avec Joncheray et Orvain. Je gagne au sprint devant le premier nommé. C’était la 3e année consécutive que ce scénario se reproduisait. Il était dépité. C’est le genre de course où tu sens que tu maîtrises les choses, physiquement parlant.
Quel est le Top 5 de tes rivaux qui t’ont le plus marqué en duathlon ?
- Emilio Martin : Mon rival depuis 2012. Nous sommes montés sur tous les podium ensemble : 2012, 2013, 2014, 2015 et 2017. C’est un mec adorable au grand cœur et un super compétiteur.
- Rob Woestenborghs : La terreur à vélo. C’était un ancien pro. À chaque fois, il revenait sur nous et nous écrasait. C’était un gars humble, sobre et discret. Il a été deux fois champion du monde (2008 et 2013).
- Benjamin Choquert : Insupportable à pied… Nous avons commencé ensemble. Il a tout gagné (Grands Prix, championnats d’Europe et Mondiaux). C’est un gars vraiment marrant. Nous sommes très liés. J’adorais le battre car ça chambrait après. Pas trop les deux dernières années…
- Yohan Le Berre : Aussi bon à pied qu’à vélo et en transition. Il a la classe. Dans le milieu, on dit souvent que c’est le duathlète le plus complet. Il a réussi à perdre au Sprint son Mondial 2018. Il avait trop relâché pensant gagner. Il mérite de décrocher l’or un jour.
- Bart Aernouts : Je l’ai croisé sur le Grand Prix de duathlon durant trois ans. Heureusement, moins sur les championnats. Comme Rob Woestenborghs, c’était un gros rouleur. Un massacre… C’était l’époque Marville avec Derobert, Del Corral, Galinier et lui. Cela roulait fort. Il m’avait impressionné par sa puissance. Il s’est ensuite tourné sur Ironman 2e à Hawaï…
Comment expliques-tu ta longévité au plus haut niveau, toi qui n’a pourtant pas été épargné par les blessures ? À 40 ans, ton volume d’entraînement était-il aussi élevé que tes rivaux ?
J'avais encore une certaine fraîcheur à 33 ans. Je ne me suis pas beaucoup entraîné de 2004 à 2010. J’ai pu remettre ensuite un gros coup de collier. Il y a eu aussi le fait que les Belges ont été moins présents après 2010. J’étais polyvalent sans gros point fort. Le duathlon fut une résurrection pour moi. J’avais des étoiles dans les yeux chaque année. Je m’entraînais 12, 14 fois par semaine.
C’était le tarif pour les autres aussi. J’ai pu aussi le faire car, grâce à la F.F.TRI., j’avais une décharge horaire en tant qu'enseignant.
Mon corps a tenu 10 ans avec toujours l’envie de continuer le plus loin possible. J’ai eu aussi le soutien d’un super club, Gonfreville L’Orcher. Gérard Hervieu savait nous motiver chaque saison. Un sacré président ! D’autre part, j’ai eu peu de blessures, à part l’énorme entorse en septembre dernier. J'encaisse bien finalement.
Qu’est ce qui va le plus te manquer ?
La compétition, l’adrénaline, les potes, le stress, les grandes compétitions en duathlon, le maillot de l’équipe de France, les titres, les séances dures, les déplacements… Je suis déjà nostalgique.
Que vas-tu faire désormais sur le plan professionnel ?
Je reprendrai mon poste d'enseignant en EPS. Toutefois, j’aimerais également rester proche des athlètes. J’aurais aimé accompagner. Je réfléchis à un autre projet.
Vas-tu continuer à faire du sport avec assiduité ? Ta blessure est-elle totalement guérie ?
Je m’entraîne toujours, mais plus 6 à 7 fois par semaine. J' ai pris beaucoup de poids et je me traîne vraiment depuis la blessure à la cheville en septembre 2020 (rupture ligament totale). Je veux revenir à un niveau acceptable et suivre des athlètes dans leur projet. Actuellement, je m’occupe de Maël Alric. Nous sommes partis 1 mois à Font-Romeu. J’essaie de tenir les moitiés de la séance avec lui… Ma blessure n’est pas totalement guérie. Neuf mois après, je ne peux pas trop pousser du pied gauche. Cela ira avec le temps.