Sandra Levenez raconte son Tour de France
Photo : Cofidis
L'ancienne championne du monde de duathlon Sandra Levenez faisait partie des concurrentes qui ont bouclé le Tour de France féminin le week-end dernier. La Bretonne, qui a terminé à la 89e place, revient sur les moments forts de son aventure dans l'interview qui suit.
Peux-tu nous rappeler tes principaux faits d’armes en duathlon ?
Sandra Levenez : J’ai été sacrée championne du monde (2019, 2014) à deux reprises. J’ai fini 3 fois à la 2e (2013,2010, 2009) et 3e places (2015,2012,2011). Par ailleurs, j’ai décroché l’or à 4 reprises lors du championnat d’Europe (2018,2017,2015,2011). Sur le plan national, je suis montée neuf fois sur la plus haute marche du podium (2019,2018,2015,2014,2013,2012,2011,2010,2007).
Quand as-tu décidé de t’orienter vers le cyclisme ? Pourquoi ce choix ? As-tu d’entrée de jeu incorporé une équipe ?
Sandra Levenez : Cela s’est passé en mai 2019, après mon 2e titre de championne du monde de duathlon. Outre les Grands Prix avec Issy Triathlon, il me fallait un objectif pour garder la motivation et aller a minima jusqu’à la fin de cette saison 2019.
Comme je disputais de temps en temps des courses de vélo avec la DN de Vern/Seiche (près de Rennes), David Rimasson, le responsable de l’équipe m’a proposé en juillet de m’investir davantage dans les courses de vélo avec l’équipe avec notamment la perspective et l’objectif de défendre le maillot de leader de Lucie Jounier lors de la finale de Coupe de France en septembre dans les Pyrénées. L’association de cet objectif et de l’endroit de cette finale dans les Pyrénées m’a donné une réelle motivation.
Outre le gain du maillot pour Lucie, je prends la 5e place de cette finale de Coupe de France.
Fin septembre, début octobre 2019, l’équipe cycliste féminine professionnelle Arkéa s’est créée en vue de la saison 2020. Désireuse d’intensifier cette orientation « vélo » et de rester dans l’environnement du haut-niveau et de cette recherche d’excellence, j’ai contacté la manager en lui exposant mes motivations. C’était le début de l’aventure !
As-tu très nettement augmenté ton volume d’entraînement à vélo ? As-tu changé tes méthodes ? As-tu totalement supprimé les séances de course à pied ?
Sandra Levenez : J’avais déjà un volume de pratique du vélo « intéressant » en duathlon, mais c’est sûr que ce volume a néanmoins augmenté.
Pour ce qui concerne la course à pied, jusqu’en mai dernier, hors période de courses de vélo, j’étais sur 3 à 4 sessions/semaine. Je me suis blessée en mai, juste avec le championnat de France de duathlon (bursite et côtes cassées), et depuis avec l'enchaînement des jours de course de vélo, je n’ai pas couru.
Comment en es-tu arrivée à rejoindre les rangs de l'équipe Cofidis ? Quel statut as-tu dans cette équipe ?
Sandra Levenez : L’intégration de l’équipe Cofidis s’est faite naturellement. J’ai passé 2 saisons chez Arkéa (2020,2021) mais en changeant de structure, l’idée est venue de me mettre au service de leaders, de découvrir un aspect fondamental du cyclisme pour continuer de progresser.
Avant le Tour de France, quelles étaient tes meilleures performances ? Avais-tu déjà participé à une course par étapes ?
Sandra Levenez : Cette saison, j’ai fini 20e à la Flèche Wallonne, 25e à Liège/Bastogne/Liège, et 11e à La Grésivaudan. Ces résultats sont à placer en cohérence avec mon rôle de coéquipière, et sont donc plutôt anecdotiques. Ce qui compte, c’est la réussite et la concrétisation d’un bon résultat par mes leaders et pour l’équipe. Deux semaines avant le Tour de France, j’ai participé au Giro (Tour d’Italie, 10 étapes). En 2020 et 2021, j’avais pris part au Tour de l’Ardèche (7 étapes), sans compter les courses à étapes de 3 à 4 jours.
Qu’as-tu ressenti quand tu as appris ta sélection pour le Tour ? Que craignais-tu le plus à l’amorce de l'épreuve ? Quel objectif t'étais-tu fixée ?
Sandra Levenez : Quand mon équipe Cofidis m’a annoncé ma sélection pour le Tour de France, ma réaction spontanée a été une forme de satisfaction. Mais très vite, j’en ai fait une responsabilité de bien faire. L’objectif était de répondre aux objectifs de l’équipe.
Qu’est ce qui t’a le plus surpris lors des premières étapes ?
Sandra Levenez : Toutes les étapes ont été riches en émotions, et intenses physiquement, le tout avec un engouement du public qui était juste incroyable. Je comprends maintenant pourquoi dans le calendrier masculin, le Tour de France est un rendez-vous « à part ». Chez les filles, ça le sera également désormais.
As-tu craint lors de certaines étapes de ne pas finir dans les délais ?
Sandra Levenez : J’ai connu plusieurs ascenseurs émotionnels assez « perturbants » sur ce Tour. Lors de la 1re étape (celle des Champs-Elysées), j’ai été victime de 2 soucis mécaniques et j’ai dû attendre ma leader Martina Alzini qui, elle aussi était en proie à des soucis. Ce jour-là, nous terminons loin et évitons un « double » hors délais qui aurait été catastrophique pour l’équipe d’autant que nous avons perdu sur chute, toujours sur cette même 1re étape, notre sprinteuse belge Alana Castrique.
Lors de la 6e étape, l’étape la plus difficile en termes de dénivelé, je me suis retrouvée « dans le mal » dès le km 20, soit 20 km avant les premières vraies difficultés (km 40) de la journée. Je suis restée seule toute la journée à « naviguer » tantôt en solitaire, tantôt avec un groupe de 5/6 filles à quelques minutes du gruppetto situé 3/4 minutes devant. Toute la journée durant les 100 km qu’il me restait à couvrir jusqu'à l’arrivée, j’ai oscillé entre l’espoir d’intégrer ce grupetto de 30/40 filles (qui m’aurait sauvé mentalement du stress du “hors-délais”), la peur d’arriver hors-délai, et pour être honnête, un troisième sentiment, celui de renoncer devant l’immensité et la dureté du combat…
Mais ce jour-là, je suis allée puiser au plus profond de mes ressources mentales pour aller au bout de l’étape et rentrer dans les délais. Sûrement un des moments les plus difficiles depuis que je pratique du sport de haut niveau, mais aussi une énorme fierté d’avoir gagné ce « bras de fer mental »..
Au final, es-tu satisfaite de ta prestation sur l’ensemble de l’épreuve ? Dans quel état physique as-tu terminé le Tour ?
Sandra Levenez : Je termine le Tour dans un très bon état physique. C’est davantage l’aspect mental et nerveux qui nécessitent de « soigner » la récupération pour rebondir et bénéficier de cet effet « Tour de France ». Comme j’ai bien récupéré de ces 8 jours de course, cela donne la possibilité de réaliser une belle fin de saison.
Notre staff est plutôt content de notre comportement, et de notre capacité à avoir inversé la spirale (cf 1re étape compliquée sur les Champs).
Si tu devais garder trois images de ce Tour, quelles seraient-elles ?
Sandra Levenez : J’ai tellement d’images en tête… En voici trois dans l’ordre chronologique :
- les minutes précédant le départ de la 1re étape au pied de la Tour Eiffel
- mon échappée (aussi courte soit elle) sur la 3e étape
- l’arrivée de la 8e étape au sommet de la Super Planche des Belles Filles.
Quels seront tes prochains objectifs ?
Sandra Levenez : Au calendrier de l’équipe, il reste une bonne douzaine de courses en août/septembre/octobre. À ce jour, je ne dispose pas encore de mon calendrier exact. J’aborderai les prochaines courses avec la volonté de faire fructifier mon enchaînement Giro/Tour de France.